Les éditions Kurokawa continuent de croire en Seishi Kishimoto. Après des titres très orientés shônen, le frère du papa de Naruto revient avec une série plus violente. Et différente.
C’est une malheureuse donne qui se glisse trop souvent dans l’analyse des œuvres de Seishi Kishimoto. Oui, Seishi est le frère de Masashi. Oui, il est certainement moins talentueux. Pour autant, il ne doit jamais être jugé en permanence sous le prisme de son frère. D’autant qu’avec Sukedachi 09 (ou Nine), Seishi Kishimoto sort de sa zone de confort et prend quelques risques.
Satan 666 (2001), Blaze Driver (2008) et Crimson Wolf (2014) étaient des œuvres sympathiques à défaut d’être exemptes de tout reproche. Cela dit, son auteur avait trouvé son public. Naviguant entre comédie, baston et aventures rythmées, l’ensemble offrait une lecture agréable, mais se reposait sur une base codifiée. Finalement, c’est sur la forme que Seishi Kishimoto prêtait le flanc à la critique. Ses bonnes idées ne masquaient pas totalement un trait parfois bancal, des anatomie incertaines et un design tantôt bien pensé, tantôt foiré. Arrive alors Sukedachi 09. Publié en qualité de shônen, ce manga entamé en 2014 prend le pari de troquer l’humour et la découverte pour aborder une thématique bien plus glaciale : la peine de mort.
Sans avoir la prétention de marcher sur les plates-bandes de Jun’ichi Sakamoto et son Innocent, Seishi Kishimoto réussit à nous interroger sur ce sensible sujet. À notre époque, l’Etat japonais a voté une loi pour le moins efface afin de faire baisser le taux de criminalité. Baptisée “Réparation”, elle permet aux familles des victimes d’un meurtre de punir le criminel par le même moyen. Par exemple, si votre frère est tué d’une balle dans la tête, alors l’Etat vous offre la possibilité d’envoyer une unité, appelée Sukedachi 09, pour punir le meurtrier d’une balle dans la tête ! Et selon les chiffres avancés par le gouvernement, la recette est dissuasive.
Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse
Machiavélique, cette bonne idée nous plonge aisément dans l’histoire. Cette dernière nous amène à suivre le quotidien d’un des Sukedachi, Yuji, jeune homme lui-même ancienne victime collatérale d’un méfait. De prime abord pas très dégourdi, Yuji cache son identité de Sukedachi à ses proches, parce que faire le sale boulot, ce n’est pas de tout repos. Pire, il faut carrément se salir les main pour distribuer la mort au grès des décisions de justice. Et autant vous dire que par moment, le modus operandi est carrément écœurant. Nous disons, d’ordinaire, que l’administration est le bras armé de l’Etat. Alors les Sukedachi 09 sont les consciences souillées du gouvernement.
Seishi Kishimoto a donc visé juste. Dans un pays qui pratique encore la peine de mort, impossible de ne pas être alerté par le récit. Ce n’est pas ici que nous débattrons de la légitimité, ou pas, de punir le mal par le mal. En revanche, l’auteur a bien compris les problématiques que pouvait rencontrer la justice. En premier lieux, la dangerosité de la compétition victimaire et la hiérarchisation des souffrances. Dès les premiers chapitres, nous assistons à une triste scène dans laquelle trois familles doivent plaider leur peine. Et c’est à celle qui aura le plus souffert, voire celle qui défendra au mieux son dossier, que l’Etat donnera ce droit de vengeance. De ce fait, deux familles se retrouveront dans les cordes. Déjà critiquable sur le plan de l’éthique, le système peut nourrir un peu plus les rancœurs.
Si l’auteur ne se focalise pas uniquement sur ces aspect-là, il ne les oublie pas. Et c’est tant mieux, parce que du coup, Sukedachi sait exister si l’on met les règlements de compte de côté. L’ensemble ne verse pas uniquement, pour l’instant, dans la succession gratuite de morts sanglantes. Il y a un fond derrière, et Seishi Kishimoto, la main verte, le cultive avec soin. Bien sûr, l’artiste n’est pas devenu un esthète du jour au lendemain, mais son trait, un peu terne, s’accorde mieux avec ce monde plutôt réaliste. Un titre qui peut marquer un tournant dans sa carrière, si l’ensemble tient sur la durée. Pour définitivement oublier l’inutile jeu des comparaisons ?
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Sans aller jusqu'à qualifier Sukedachi Nine de "manga engagé", Seishi Kishimoto sort une histoire assez prenante pour nous surprendre agréablement. Plutôt shônen +, la série démarre bien, grâce à un concept efficace, et une thématique qui parlera à tout le monde. Ce n'est pas toujours un régal d'un point de vue artistique, mais dans un processus d'évolution, ce manga peut compter.
- AuteursSeishi Kishimoto
- Editeur VFKurokawa
- Editeur VOSquare Enix
- PrépublicationShônen Gangan
- GenreAction,
- TypeShônen
- Date de sortie09/06/2016
Un commentaire
En effet, Seishi est toujours comparé à Masashi, qu’ils soient jumeau ou non, le public est bien dur.
Sukedachi Nine promet un démarquage certain pour lui qui est loin d’être lassant ou idiot. J’ai lu des scans et le genre m’a beaucoup plu, les civils sont le reflet de nous-mêmes, ils se laissent menés par leur haine.
On peut se demander si des civils refuseront cette peine dans un prochain chapitre, si nous verrons un échange de vision. Ce système n’est peut-être pas acquis par tout le monde. Aussi, pourra t-on assister à la mise à mort d’un innocent ? Comment la justice sera t-elle perçue ?
Je pense que ce manga possède plusieurs choses en sa faveur et que Seishi peut nous montrer qu’il est lui aussi un “mangaka” digne de ce nom.
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